Le secteur nucléaire civil est-il assuré en cas de catastrophe ?

  • Le nucléaire civil est-il couvert par des assurances ? Oui, mais ridiculement peu !
  • Les risques sont-ils couverts ? Très faiblement !
  • Qui va payer les dégâts ? Pour la plus grande partie, les contribuables !
  • Conventions sur la responsabilité civile nucléaire (2022) :
    « Les montants de responsabilité des exploitants s’élèvent à 700 millions d’euros par installation et par accident (70 millions d’euros pour les installations à « risques réduits ») et à 80 millions d’euros pour les accidents survenant lors d’un transport de substances radioactives. S’y ajoutent deux contributions supplémentaires, dont les montants ont été également augmentés : celle de l’État de l’installation, soit 500 millions d’euros, et celle des États, parties à la convention de Bruxelles, soit 300 millions d’euros. »

Les fonds disponibles pour l’indemnisation des victimes d’un accident nucléaire s’élèvent donc au total à 1,5 milliard d’euros.
Un montant bien inférieur à n’importe quel accident nucléaire sérieux.

Le montant du dommage nucléaire à concurrence duquel la responsabilité de l’exploitant est engagée s’élève donc à 700 millions d’euros pour chaque accident nucléaire en Belgique, selon la convention de Paris de 1960, amendée en 1985 et complétée en 2022.

Les exploitants recourent aux assurances pour ce petit montant de 700 millions d’euros et les États garantissent le reste, soit 800 millions d’euros, car les compagnies d’assurances, bien conscientes de l’ampleur du risque, n’ont pas voulu s’engager dans ce domaine, au-delà de ce montant de 700 millions d’euros.

Coût de la catastrophe nucléaire de Fukushima : un minimum de 500 milliards d’euros, plus quelques centaines de milliards d’euros en plus si l’on prend en compte les décennies de travail pour le démantèlement des réacteurs et le nettoyage du site de la centrale, la décontamination ainsi que la revalidation des zones évacuées.

Chez nous, vu la densité de population bien plus forte que dans la préfecture de Fukushima, ce sera bien pire, et s’il fallait évacuer Liège, Namur, ou Anvers, cela menacerait la stabilité même du pays… Un sinistre évalué à 1000 milliards d’euros est plausible…

Sans cette convention et ses amendements, il n’y aurait jamais eu d’industrie électronucléaire, car les producteurs d’énergie nucléaire ne veulent pas engager leur responsabilité au-delà d’une somme limitée, et les assureurs ne veulent pas prendre le risque réel concernant un accident majeur!

Bref, en cas d’accident nucléaire, comme les dégâts seront à coup sûr bien plus élevés que 1,5 milliard d’euros, ce sera l’État, donc les contribuables, qui paiera la plus grande part du montant des dégâts ! Il y aura bien la garantie d’État(s) de 800 millions d’euros, États(s), qui se retourneront contre le producteur, qui — on l’espère — ne se sera pas en faillite…

Et pour le reste, les centaines de milliards d’euros non assurés, qui paiera ?

  • Ce montant de 1,5 milliard d‘euros représente moins de 3% du chiffre d’affaires d’Engie en 2022. Le résultat net récurrent (hors exceptionnels) du groupe ENGIE pour cette année 2022 devrait se situer à peu près à 5 milliards d’euros.
  • Il n’y a pas de responsabilité en cas d’attaque terroriste ou de conflit armé : « L’exploitant d’une installation nucléaire n’est pas responsable des dommages nucléaires causés par un accident nucléaire si cet accident est dû directement à des actes de conflit armé, d’hostilités, de guerre civile et d’insurrection. »

NOTES :

Les compagnies d’assurance refusant d’assurer ce risque, même limité, les producteurs se reposent alors sur une intervention de l’État, sous forme de garantie !

Extrait : « Les exploitants nucléaires doivent disposer des garanties financières couvrant leur responsabilité vis-à-vis des victimes. Pour ce faire, ils contractent le plus souvent une assurance sur le marché de l’assurance privée. Il est toutefois possible que certains dommages nucléaires visés par la version modifiée de la convention de Paris ne soient pas couverts par le marché de l’assurance dans le domaine de l’énergie nucléaire. La Belgique mettra donc en place un régime de garanties publiques qui couvrira les dommages nucléaires qui ne peuvent pas être couverts par une assurance privée.

Dans le cadre de ce régime, l’exploitant nucléaire versera une prime annuelle pour bénéficier de la garantie publique. En cas d’accident nucléaire, s’il est fait appel à la garantie publique, l’exploitant nucléaire demeurera néanmoins responsable de tous les dommages nucléaires et l’État pourra ensuite récupérer les montants versés au titre de la garantie auprès de l’exploitant nucléaire. »

Un événement très important marque le début de l’année 2022 dans le domaine de la responsabilité civile pour dommage nucléaire (RCN). Il s’agit de l’entrée en vigueur des protocoles d’amendement des conventions de Paris et de Bruxelles signés le 12 février 2004. Ces protocoles, dont le texte vient d’être publié au Journal Officiel par décret du 17 janvier, ont pu entrer en vigueur 18 ans après leur signature grâce au dépôt simultané des instruments de ratification par les États, parties aux conventions d’origine, ce qui s’est produit le vendredi 17 décembre 2021 dans le cadre de l’Agence de l’énergie nucléaire (AEN) de l’OCDE.

NOTES

Convention de Paris : le texte

Paris Convention on Third Party Liability in the Field of Nuclear Energy

Cout final de Fukushima

Entrée en vigueur des conventions de Paris et Bruxelles en 2022

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