Prolongation de Tihange 3 et Doel 4 : le point sur la situation.

Article mis à jour le 01/03/2023

Tout était cependant prévu grâce au CRM, le mécanisme de soutien que le gouvernement a décidé de mettre en place pour disposer de suffisamment de moyens de production d’électricité malgré la sortie du nucléaire en 2025, créé par le gouvernement précédent et fortement amélioré par la ministre Tinne Vanderstraeten. On nous a d’abord annoncé que, vu la situation énergétique et géopolitique, la sécurité d’approvisionnement n’était pas garantie, et que Tihange 3 et Doel 4 seraient prolongés de dix ans, voir l’historique ci-dessous. Ce CRM ne semble maintenant ne plus suffire pour répondre à la période où les deux réacteurs seraient à l’arrêt avant leur remise en marche, période sans aucun réacteur en fonction, et donc qu’il y aurait un manque d’électricité lorsque ces deux réacteurs seraient à l’arrêt avant leur remise en marche. Elia, le gestionnaire du réseau, confirme le constat de décembre 2022 : pour l’hiver 2025-2026, il manque 900 à 1.200 MW. Et rebelote pour l’hiver 2026-2027 si les travaux de prolongation de Doel 4 et Tihange 3 ne sont pas terminés. Ce qui poussait le MR à demander la prolongation de 5 réacteurs, et les Verts à accepter une extension temporaire de certains réacteurs pendant cette période, tout en insistant sur la sortie à terme du nucléaire.

Or Engie vient de dire non à ces demandes……..
Ce ne serait possible qu’en changeant les règles de sécurité crées au niveau Européen après Fukushima, auxquelles les anciens réacteurs ne répondent pas !
Le MR serait semble-t-il prêt à s’asseoir sur ces règles de sécurité, mais cette opinion divise la Vivaldi.

Dernière proposition à l’étude : accélérer la mise au niveau de Tihange 3 et Doel 4 en limitant leur temps d’arrêt, voire en ne les arrêtant pas du tout, de manière à ce qu’ils soient disponibles plus tôt que prévu en 2025.

Dernière (mauvaise) nouvelle :
Participation de la Belgique à l’alliance nucléaire européenne initiée par la France !?
«
La Libre Belgique » apprend que le Premier ministre reprend le dossier en main et prendra des contacts diplomatiques pour que la Belgique dispose du statut d’observateur au sein de l’alliance. Tout ceci est lié au développement de nouveaux réacteurs SMR, et il n’est pas exclu que l’on fasse partie intégrante du club européen pro-nucléaire !?

Pourquoi l’alarme n’a-t-elle pas sonné plus tôt ?
Extraits de l’article de l’Echo du 19 février 2023 :

“ C’est en fait en décembre 2022, suite à une nouvelle évaluation de la sécurité d’approvisionnement par Elia, qu’il est apparu que la prolongation de Doel 4 et Tihange 3 pour dix ans, à partir de l’hiver 2026, ne suffirait pas. Une évaluation que lui avait demandée le gouvernement De Croo parce que certains, au sein de la majorité, avaient des doutes, et que la situation énergétique en Europe s’était dégradée avec la guerre en Ukraine, de possibles problèmes d’approvisionnement en gaz en Allemagne, mais surtout l’indisponibilité plus grande que prévu du parc nucléaire français. ”

Et les aveux de M.C. Marghem : “
Quand on rappelle cet épisode à Marie Christine Marghem, elle affirme que pour elle, le CRM n’a jamais eu pour but d’assurer la sécurité d’approvisionnement de la Belgique. Il ne s’agissait pour moi que d’un outil d’appoint, pour remplacer l’une ou l’autre vieille riquette au gaz. Je n’ai jamais caché que mon but était de prolonger le nucléaire, même si j’avais l’ordre formel et militaire de Charles Michel de prêcher à l’extérieur pour la sortie du nucléaire.” ”

Se prétendant dos au mur, par crainte des risques sur l’approvisionnement et les prix de l’énergie, le gouvernement “Vivaldi” prépare un accord avec Engie, dans lequel ce dernier déclare qu’il mettra « tout en œuvre » pour redémarrer les deux réacteurs le 1er novembre 2026. C’est une obligation de moyen et non de résultat, autrement dit, il n’est même pas sûr qu’ils y arrivent à temps ! Cette décision n’est pas intégrée dans une stratégie énergétique cohérente, plutôt que de co-investir dans cette prolongation, il faut maintenant concentrer les ressources actuelles et futures à la transition énergétique : soit à la sobriété énergétique, au développement des renouvelables de moins en moins chers, à la réforme et la « décentralisation »  des réseaux de distribution électrique, au développement du stockage, à la production, la distribution et l’utilisation de l’hydrogène pour remplacer le méthane, la protection de la biodiversité, une agriculture plus respectueuse des écosystèmes, moins basée sur les énergies fossiles, plus locale, pour arriver au zéro carbone en 2050…

Le gouvernement a fait un gros cadeau à Engie en acceptant le principe d’un plafond, au montant encore non déterminé, pour les déchets nucléaires. Le choix de la méthode de traitement des déchets est de toute façon reporté au prochain gouvernement !
Ce plafonnement a pour conséquences que ce sont les contribuables belges qui vont payer une partie de la facture d’élimination des déchets nucléaires d’Engie, si le plafond est dépassé, ce qui est hautement probable(1) Nous craignons que cette gestion des déchets, sur des durées dont personne n’a vraiment idée, coûtera plus cher que prévu, la facture sera envoyée aux générations futures : pratique pour les politiques, inacceptable pour nous ! Le recyclage des déchets pour en faire de nouveaux combustibles ne règle rien, seul 1 % en volume (le plutonium) est récupéré au prix de procédés chimiques produisant des déchets, et une fois le combustible recyclé usé, il devient un déchet non recyclable encore plus radioactif et dangereux que les déchets du premier cycle…Et les petits réacteurs modulaires (SMR) envisagés pour le futur produiront proportionnellement plus de déchets dangereux que les gros réacteurs…
Et de fait ce calcul de ce plafond, attendu pour mars 2023, pourrait bloquer la signature définitive d’Engie concernant la prolongation des deux réacteurs, car “tant qu’il n’y a pas accord sur tout, il n’y a d’accord sur rien !”
Les parties, qui sont d’accord sur le partage bénéfices/risques de la prolongation des deux réacteurs, annoncent qu’un nouvel accord partiel, plus complet, doit être trouvé d’ici le 15 mars. Le document juridiquement contraignant, quant à lui, devra être signé pour le 30 juin 2023. Il y a encore des conditions légales à remplir pour la prolongation , y compris une « enquête environnementale » qui nous permettra de protester, sans certitude d’être entendu, alors que Mr De Croo a déjà déclaré que les « travaux commencent ce 10 janvier» !

Le premier ministre déclare stupidement (ou avec une forte mauvaise foi?) que le “nucléaire n’émet pas de CO2“. Le GIEC donne le chiffre de 12 g CO2/Kwh électrique, alors que les estimations sérieuses de calcul du cycle de vie montrent que la production de CO2 est égale voire bien supérieure à celles des renouvelables, cad au moins 50 g CO2/Kwhe, (mais heureusement très inférieure au gaz). Et encore plus de CO2 si on prend en compte la gestion des déchets pendant une durée très longue, ainsi que le nettoyage des dégâts miniers, et l’augmentation du coût énergétique de l’uranium, qui va de plus en plus se raréfier !

La soi-disant « indépendance énergétique » se ferait donc sur base d’uranium enrichi provenant en grande partie, directement ou indirectement, de la Russie : notons que la firme russe Rosatom n’est pas concernée par les sanctions !?

Question sécurité, rien n’est garanti ! Il se peut fort bien que ces réacteurs vieillissants tombent en panne comme leurs équivalents français cette année, voire pire. Car un accident grave est toujours possible, ce qui, dans une région aussi peuplée que la Belgique, signifierait une catastrophe sanitaire, économique et sociale  majeure : comment évacuer des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes (Lège, Namur, ou Anvers?), et perdre un territoire contaminé pour une durée indéterminée, comme à Tchernobyl et Fukushima, où les gens hésitent toujours à revenir dans les zones les moins contaminées, mais toujours dangereuses pour la santé ?

Jusqu’il y a peu, la ministre prétendait que son plan (Mécanisme de Rémunération de Capacité CRM), pouvait parfaitement pallier la fin totale du nucléaire en 2025. De fait, Elia annonce dans son rapport qu’étant donné la situation au niveau Européen, aggravée par le manque de fiabilité du nucléaire Français, et le prix et la disponibilité du gaz et de l’énergie en général, il y aurait un manque d’énergie électrique en 2025, contredisant ses rapports précédent d’avant la guerre d’ Ukraine. Elia annonce maintenant que si Tihange 3 et Doel 4 sont arrêtés pour être prolongés en 2026, il n’y aura pas besoin de nouvelles centrales au gaz en 2025, ces deux unités programmées dans le CRM suffiraient, et ceci rassure le public à qui on présente le risque du black-out.(3)
En fait ils prolongent de dix ans ces deux réacteurs pour la période 2025-2035 pour palier des incertitudes liées à aux années 2026-2028 sans possibilité d’arrêter ces réacteurs s’ils ne sont plus utiles après cette période, à part générer de futurs coûts de gestion des déchets et d’augmenter les risques d’accident irréversible pour la majeure partie de la population belge. Qui peut prédire quelle sera la situation géopolitique et économique à partir de 2028 ?
Ces réacteurs sont certes amortis, mais ils sont vieux et susceptibles de coûter en réparations (voir l’exemple français.), et moins on les utilise moins il y aurait de déchets pour lesquels on n’a pas de solution sérieuse, et qui génèrent des coûts à très long terme, car les enterrer et les « oublier » après quelques années n’est pas respectueux de la planète ni des générations futures.
L’énergie nucléaire est maintenant l’énergie la plus chère qui existe et elle ne sauvera pas le climat ! (4)
En plus, pour chaque € investi dans une filière énergétique, le nucléaire est l’énergie qui économise le moins le moins de grammes de CO2 !

En effet les mesures déjà prévues vont monter en puissance dans ces années-là, dont l’augmentation programmée de l’éolien en mer, une meilleure gestion de la mobilité qui inclus, certes des véhicules électriques, mais devrait inclure aussi une diminution du parc automobile.
L’éolien en mer devrait atteindre au minimum 5,5 GW en 2030, soit une augmentation de
3,3 Gw par rapport à 2025, donc plus qu’un réacteur de 1 Gw*. Rien qu’avec ce projet, sans tenir compte de l’augmentation des autres renouvelables (éolien terrestre, solaire…), en 2030 au plus tard l’augmentation de l’éolien en mer du nord remplacera déjà un peu plus qu’un des deux réacteurs prolongés.(5)

Production, intensité carbone et transfert d’énergie électrique
Consultez ElectricityMaps  (Il existe une App sur Smartphone !) pour voir la répartition et l’intensité carbone de notre électricité, ainsi que les exportations/importations, par jour, par mois, par année.
Belgique : https://app.electricitymaps.com/zone/BE
France : https://app.electricitymaps.com/zone/FR
Allemagne : https://app.electricitymaps.com/zone/DE



NOTES  :

  1. Le démantèlement des réacteurs resterait aux frais d’Engie, point à confirmer !
    Le gouvernement prétend que sa participation aux bénéfices d’exploitation réduira le risque d’augmentation du prix de l’électricité. Il faudra vérifier comment, dans le cadre de la cogestion 50/50 avec Engie, le gouvernement participe aux frais de prolongation des réacteurs…
  2. En France, 200 millions de tonne de déchets radioactifs !
    Au Niger Orano laisse des boues hautement radioactives, résidu de la concentration du minerai d’Uranium , vidéo de la Criirad !
  3. Rappelons le projet du MR, dans leur dernier programme électoral, d’installer 9 centrales à gaz !
  4. Ça améliore le bilan carbone d’un pays (surtout la France), mais au niveau global, le nucléaire représente à peine quelques % de la consommation mondiale d’énergie, donc il faudrait le multiplier par 10 ou 20 pour avoir un impact planétaire sur le climat, en calculant avec les coefficients CO2 du GIEC, qui sont surévalués. Il n’y a tout simplement pas assez d’uranium en réserve, facilement extractible, pour continuer plus d’un siècle avec la consommation actuelle, et encore moins si on multiplie le nombre de réacteurs en fonctionnement (à peu près 450) : ce serait épuisé en quelques années…. L’uranium est une ressource minière non renouvelable et non-locale, qui nous rend dépendant de sociétés étrangères, dont certaines sont russes… Le soi-disant recyclage des combustibles usés ne change pas la donne et pose d’autres problèmes : seulement 1% de récupération en volume, production finale de déchets non-recyclables, encore plus dangereux et plus difficiles à gérer, car en particulier ils doivent rester beaucoup plus longtemps en piscine de désactivation.
    Pour chaque € investi dans une filière énergétique, le nucléaire est l’énergie qui économise le moins de grammes de CO2 !
  5. En tenant compte du facteur de charge minimal de l’éolien en mer de 34%, et de 80% pour le réacteur nucléaire de 1 Gw.
    En 2021, 2,2 GW installé en mer du nord, le solde pour 5,5 est prévu avant 2030 : https://economie.fgov.be/fr/themes/energie/sources-denergie/energies-renouvelables/exploitation-en-mer-du-nord/energie-eolienne-belge
    https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89nergie_%C3%A9olienne_en_Belgique







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