Une consultation est actuellement en cours jusqu’au 20 juin 2023, et elle n’est pas limitée aux citoyens Belges. Le site propose deux documents, un résumé de 23 pages et une évaluation plus complète de 409 pages.
Le résumé simplifie trop la situation et omet de nombreux points, dont le rejet de nombreux produits radioactifs, (surtout le tritium et l’iode 131) lors du fonctionnement normal. Visiblement, les auteurs misent sur le fait que presque tout le monde se limitera au résumé tronqué, mais non, “on ne vous cache rien, allez lire les 409 pages techniques qui montre qu’aucune norme n’a été ou ne sera dépassée”….
Fin du Nucléaire suggère cependant de lire le résumé, et ensuite de répondre aux assertions de ce résumé concernant les incidences sur l’environnement, en vous inspirant de quelques un des arguments suivants, et de donner votre avis sur cette prolongation.
La page accepte une réponse assez longue, mais il est conseillé de se limiter à quelques arguments.
- Le dossier résumé nous dit que les licences d’exploitation de KC Doel (D4) et CN Tihange (T3) seraient respectées, car la dose de radiation reçue par la population durant le fonctionnement normal serait principalement déterminée par les rejets gazeux de carbone 14 (C-14). C’est incomplet, car le dossier complet d’évaluation parle du rejet (parmi d’autres radionucléides) de tritium et d’iode radioactifs dans l’air et de tritium dans l’eau de la Meuse à Tihange. Le graphique de la page 380 montre qu’il s’agit de rejets totaux de l’ordre de 50 TBq de tritium dans l’air et dans l’eau à Tihange. Certes, c’est en dessous des normes, mais une telle quantité n’est pas négligeable, et les effets du tritium sur la santé humaine sont sous-estimés, voire niés, par l’industrie nucléaire. Ce produit est extrêmement difficile à filtrer à l’échelle industrielle, et si les normes étaient à un niveau plus en rapport avec la santé humaine, cela poserait des problèmes insolubles à l’industrie électronucléaire, ce qui à mon avis motive leur déni à ce sujet ! Oui, le C-14 et le tritium peuvent aussi être d’origine naturelle, mais un réacteur arrêté, c’est un plus pour la santé de la population ! Car les estimations en milliSievert/an ne parlent que des effets de la contamination externe. Si les éléments son ingérés ou inhalé, l’effet est différent suivant l’élément, qui reste plus ou moins longtemps dans l’organisme et y cause des dégâts spécifiques bien plus importants que la contamination externe !
- Extrait du dossier résumé : « La contamination par des radionucléides de longue durée de vie tels que le Cs-137 est très limitée. L’impact transfrontière de tous les accidents considérés pour Tihange 3 est très limité en raison de la distance avec les pays voisins ! »!?
Un accident grave avec rupture des barrières de confinement pourrait très bien répandre de l’uranium 235 ou 238, du plutonium 239, du cesium137, de l’iode 131 et d’autre produits de fission bien au delà des frontières belges, suivant la direction des vents ! Il suffit de voir comment les vents ont soufflé à Fukuhsima en 2011 et à Tchernobyl en 1986… Doel est moins de 4km de la Hollande (et 15 km de la ville d’Anvers), Tihange est à 65 km de la ville d’Aachen en Allemagne, 25 km de la ville de Liège, moins de 60 km de la frontière Française…. Les pilules d’iode, prises à temps en cas d’accident, idéalement trois heures avant le passage du nuage mais pas plus de 3 ou 4 heures après, ne protègent que du cancer de la thyroïde, pas de la leucémie par exemple…
La présentation de cette consultation semble limiter les risques à la Belgique, et marginalement à la Hollande : nous exigeons une consultation internationale impliquant au moins les pays limitrophes.
- Citation du dossier résumé à propos du dérèglement climatique : « Dans la perspective temporelle de la prolongation de la durée de vie, les deux sites ne sont pas vulnérables non plus aux conséquences du changement climatique, et cette situation est indépendante de la prolongation ou non de la durée de vie de Doel 4 et de Tihange 3….. Les modifications et rénovations futures doivent être suffisamment résistantes aux inondations et au climat pour absorber les conséquences de précipitations plus intenses à l’avenir et ne pas transférer les inondations à la zone environnante ». C’est complètement erroné, le dérèglement climatique est déjà là : en 2020, la limite de débordement du mur de protection a été évitée d’extrême justesse, le débit de la Meuse est passé de 200 à 1500 m³/s à Tihange, à quelques dizaines de m³ près, la centrale était mise à l’arrêt, voire inondée !
Le nucléaire est très sensible aux dérèglements climatiques : la sécheresse qui implique une surchauffe inacceptable des rivières ou une rupture approvisionnement électrique,par manque d’eau de refroidissement, les inondations qui impliquent également un arrêt de la production, voire une catastrophe en cas de panne du système de refroidissement (arrêt de diesels de secours comme à Fukushima). De fait il va falloir investir encore plus dans la protection vis à vis des inondations et du contrôle des eaux sortant du site, dans toutes les circonstances. Que va rapporter cet investissement ?
- Risque d’accident majeur ? Nous lisons dans le dossier résumé qu’ « on peut affirmer que la perception du risque existe, mais qu’il n’y a pas de lien démontrable avec les effets psychosomatiques » .
Le problème n’est pas psychosomatique, il ne s’agit pas d’un “problème de perception” : le risque existe réellement, tout comme dans les 6 ou 7 accidents graves du passé : Tchernobyl 1986, Fukushima 2011, mais aussi Mayak/Kyshtym 1957 et 2017, Windscale 1957, Three Miles Island 1979, St Laurent de eaux 1969 et 1980, Tokaï Mura en 1997… et la liste n’est pas exhaustive, certains incidents en URSS et aux USA ont été censurés, comme la fois ou des blocs de plutonium ont été rassemblés par erreur à Los Alamos en aout 2011 et on failli déclencher une réaction nucléaire aux conséquences imprévisibles… Plus nos réacteurs vieillissent et plus le risque d’accident sera élevé. Rappelons-nous les fissures dans T2/D3, et les problèmes actuels en France de corrosion sur des tuyaux destinés au refroidissement… Le territoire belge étant petit et très peuplé, quasi tout le territoire et les régions avoisinantes seront pollués par les éléments radioactifs, le dossier attaché est vraiment trop optimiste voire trompeur, l’effet des grandes catastrophes du passé ne se sont pas limitées à moins de 60 ou 80 km…
- Impact de la prolongation sur la production de déchets et de combustibles usés : augmentation de 9 % des déchets en cas de prolongation qui seront stockable sur le site SF2 à Tihange «en attendant de savoir quoi en faire »… Mais le problème est là : à ce jour, personne ne sait ce qu’on va en faire, après leur passage dans le SF2 à Tihange !
– Combien de temps les combustibles usés vont-il rester dans les piscines ?
– Combien de temps les combustibles usés vont-il rester ensuite dans le SP2 ?
– Que va-ton en faire après et combien de temps cela va-t-il durer ?
– Combien cela va-t-il coûter ?
– A combien de milliards d’Euros Engie veut-il placer le plafond à partir duquel les futurs contribuables belges paieront les frais de gestion des déchets et de démantèlement ?
- Qui va payer les frais de démantèlement des deux réacteurs prolongés ?
Pourquoi l’État Belge devrait-il participer à ces frais ? Et « le démantèlement d’un seul ou plusieurs des autres réacteurs pourrait influencer la situation radiologique, mais ne relève pas de l’objet de la présente évaluation de l’impact environnemental ». On ne sait donc rien sur l’effet du démantèlement sur la situation radiologique, l’ignorance apparente des responsables nous rend méfiants avant d’avoir plus d’information !
- Le site de Tihange se trouve sur une ligne aérienne fréquentée menant à Bierset, à moins de 5 minutes de vol. De gros porteurs, comme les Boeing 747 passent à basse altitude (2500 pieds) très près de la centrale et du futur site de stockage SF2, comme le montre une vidéo sur YouTube. Tihange 3 n’a pas la résistance nécessaire pour résister au crash d’un avion moderne avec en plus son réservoir de combustible bien rempli après un décollage de Bierset. T3 et D4 n’ont été validés il y a longtemps que pour de petits aéronefs !
- La durée de prolongation après 2026/2027 est fixée à 10 ans. Et si en 2028 ou plus tard on se rendait compte que T3/D4 ne sont plus utiles, pourquoi ne pas les fermer et les démanteler avant 2037 ? Cette possibilité devrait figurer dans les contrats avec Engie !
- Malgré les mises à jour envisagées, nos réacteurs vieillissent inexorablement, leur conception est très proche de celle des réacteurs français, victimes de problèmes techniques fréquents, notamment de corrosion. Nous devons nous préparer à avoir de temps en temps un réacteur en panne.
- Indépendance énergétique ? Le combustible nucléaire vient entièrement de l’étranger et une partie importante provient de Russie. L’uranium est une ressource minière épuisable, il en reste pour moins d’un siècle avec le parc mondial actuel. Le commerce d’uranium avec Rosatom (et des sociétés russes qui jouent les intermédiaires avec le Kazakhstan) continue même pendant la guerre en Ukraine, les sanctions ne s’appliquent pas, mais cette source pourrait s’arrêter brutalement aussi. Et par ailleurs bloquer l’approvisionnement de certaines centrales d’Europe de l’Est dépendant de la technologie russe, provoquant un problème au niveau européen…
D’où va venir l’uranium des réacteurs prolongés ? La décision doit être prise avant la fin avril 2023.
- Le coût de la prolongation par rapport à l’investissement dans le renouvelable et les économies d’énergie (isolation, etc.). Le problème est que l’argent investi pour le nucléaire est perdu pour le renouvelable et les solutions annexes : économies d’énergie, systèmes de stockage, entre autres dans l’hydrogène vert, etc., ou de partage en réseau local ou à grande distance. Il est clair qu’un euro investi dans le nucléaire ou sa prolongation économise moins de CO2 par rapport à un euro investi dans le renouvelable ou les économies d’énergie !
- Le secteur nucléaire est-il assuré correctement ? “Les montants de responsabilité des exploitants s’élèvent à 700 millions d’euros par installation et par accident (70 millions d’euros pour les installations à « risques réduits ») et à 80 millions d’euros pour les accidents survenant lors d’un transport de substances radioactives. S’y ajoutent deux contributions supplémentaires, dont les montants ont été également augmentés : celle de l’État de l’installation, soit 500 millions d’euros, et celle des États, parties prenantes à la convention de Bruxelles, soit 300 millions d’euros.”. C’est absolument insuffisant en cas d’accident nucléaire sérieux, qui coûtera des centaines de milliards d’euros, et qui pourrait ruiner une grande partie de notre pays !
- Bilan CO2. La production de CO2 ne se fait pas à Tihange ou à Doel, mais sur l’intégralité du cycle, de l’extraction du minerai jusqu’à la fin de la gestion des déchets. Les données propagées par le GIEC ou pire par EDF, reprises par les partisans du nucléaire, sont trop optimistes. Nous pensons que le nucléaire ne produit pas moins de CO2 que les renouvelables (mais bien sûr moins que le méthane), si l’on compte vraiment tout le cycle, qui est très long si on compte la gestion des déchets… Il n’est pas possible de prolonger les deux réacteurs sans dépenser des milliards pour la mise à niveau, les améliorations de sécurité et les protections contre le dérèglement climatique. Mais un euro investi dans cette prolongation et ses conséquences (création de déchets supplémentaires) économise certainement moins de CO2 qu’un euro investi dans le renouvelable ou les économies d’énergie !
- Que propose le gouvernement ? Si on fait confiance à Élia (le régulateur du réseau), vu que pendant au moins 2 ou 3 ans à compter de 2025, malgré les mesures prises par la ministre (CRM, etc.), la situation actuelle nous conduit vers une rupture d’approvisionnement en électricité, nous ne pouvons pas éviter la prolongation de deux réacteurs, soit T3 & D4.
Cependant, l’expert allemand Robert Borsch-Laaks d’Aachen nous fait remarquer que le pays a résisté à une rupture d’approvisionnement, quant à l’automne 2018, lorsque presque tous les réacteurs étaient indisponibles. Durant cette période, un seul réacteur, Doel 3, a fonctionné du 12 octobre au 13 novembre. Immédiatement après (jusqu’à la mi-décembre), Tihange 1 a de nouveau été ajouté. Cela a créé une situation qui pourrait également se produire en 2026 si seuls T3 ou D4 étaient encore en service. Au cours de cette période, ce sont principalement les centrales au gaz qui ont comblé les déficits de production causés par le manque de nucléaire en utilisant jusqu’à 75 % de la capacité installée disponible à l’époque (6,6 GW). En fonction de la capacité de contrôle des centrales à gaz et des fluctuations de l’offre d’énergies renouvelables, entre 2 et 3,5 GW ont été importés du marché intérieur de l’UE. Depuis cette date, l’offre du renouvelable a fortement augmenté et elle augmentera encore plus d’ici 2026/2027, ce qui limitera le plus possible, et peut-être totalement, la part du gaz dans le remplacement du nucléaire.
- Le choix du gouvernement est donc de prolonger deux réacteurs pour une durée de dix ans, ce qui ne sera peut-être pas utile jusqu’en 2037, avec un investissement assez lourd et donc peu rentable financièrement ainsi qu’en CO2 économisé par Euro investi. Le projet du gouvernement induit un gaspillage de ressources et d’argent dans des réacteurs nucléaires vieillissants, de moins en moins filables, créateurs de déchets et de pollution de l’environnement, qui augmentent le risque d’un accident qui ruinerait le pays. De même l’investissement dans de nouveaux outils nucléaires (SMR ?), trop chers, trop polluants, et qui ne seront pas au point à temps, car il nous faut amorcer la transition énergétique et économe en CO2 dans les 10 ans. Le nouveau nucléaire est une voie sans issue et un gaspillage de ressources !
- Il aurait fallu — et il est peut-être encore temps de — pousser plus à fond les solutions renouvelables, de stockage (dont l’hydrogène, vert) et les carburants verts synthétiques), de partage et de distribution de l’électricité au niveau local et à grande distance, et d’investissement dans les économies d’énergie, et dans l’isolation des bâtiments. Cette solution nécessite également des centrales à gaz, pour les pointes de consommation, car c’est pour le moment le seul outil disponible, et pour avoir une puissance en réserve. Si nous refusons la prolongation, le compromis serait situé entre une consommation un peu plus élevée de gaz (idéalement, vert, à terme), ce qui produira un bilan CO2 qui ne sera temporairement pas idéal, bien que contrebalancé par une grande proportion de renouvelables et de mesures d’économie. Le but est que dans les dix ans on avance vers une solution économe en énergies fossiles et en CO2.
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